Préface nous sommes un peuple d’immigrés et cela depuis des milliers d’années. Ce serait une banalité de parler des créateurs de Marseille ou des petites villes comme Athens in Texas, Athens in Georgia, Athens in Alabama. Notre capacité d’adaptation, notre dévouement et notre loyalisme à nos pays d’adoption sont sans faiblesse. Notre origine est nourrie de pierres venues de l’Antiquité, de mots qui nous entourent tous les jours, de noms auxquels on ne cesse de se référer. C’est là notre fierté et notre « boulet ». La Grèce reste lointaine, géographie de vacances, d’attachements familiaux, s’il en est. Mais soudain des drames surgissent. Ils déchaînent des questions et souvent des peines. Les peines n’ont pas manqué depuis quatre ans, mais surtout les questions. Des questions sans fin et sans vraie réponse. La première de toutes émane de la violence verbale et surtout écrite de certains Européens contre le peuple grec. Tant de questions nous ont paru injustifiées et insupportables par leur virulence et, dans de très nombreux cas, par leur vulgarité. Il ne fallait pas rester avec ces sentiments d’injustice et d’humiliation qui peuvent conduire à des jugements rapides et souvent superficiels. Il fallait réagir. Mais comment ? Marietta Karamanli a choisi le chemin de la raison et la passion du savoir. Son livre, sur la situation grecque, est unique, sans pathos ni intention de se justifier et encore moins de dénoncer. C’est un livre pour savoir et pour comprendre. C’est un état des lieux grec lucide et scientifique. Il commence par la naissance de ce petit pays que son passé rend immensément connu et dont la place géographique attirait toutes les convoitises et les amitiés intéressées. Le livre commence donc par la naissance et la tentative de renaissance du pays et par les conditions historiques de sa création à partir du chaos de quatre siècles d’occupation ottomane. Il s’agit d’une aventure multiple et complexe, qui passe par d’autres « occupations », amicales celles-ci, et déclarées bienfaitrices. Elles l’ont été, tout en se partageant les bienfaits. Marietta Karamanli parcourt ce passé, socle fragile et mouvant pour la construction d’une « démocratie » royale. Elle nous introduit dans la complexité des relations du peuple avec ses dirigeants. Et celles de dirigeants avec le peuple. Où la relation d’homme à homme est plus importante que la relation de l’homme avec son pays. Et où de nombreux dirigeants, tout en connaissant et le problème et sa solution ne peuvent ou ne veulent pas l’imposer. Dans ce labyrinthe politique et social qui arrive jusqu’au temps que nous habitons, Marietta Karamanli ne néglige aucune partie du « cadastre » sociopolitique grec. À la fin de la lecture de son livre et au-delà même de la crise actuelle, j’ai pensé que toute amertume, indignité ou tristesse mises à part, reste la question à laquelle il faut répondre. Et maintenant que faire ? Constantin Costa-Gavras, cinéaste