Bien… l’amour des langues. L’amour des langues, votre serviteur en est habité depuis la plus petite enfance et en importuna ses parents. Parents que je chéris et continue de pleurer tant ils ont été bons pour moi et tant ils ont rendu heureuse mon enfance. Mes parents m’ont structuré fortement par leur amour, et, notamment, ils ont accepté cette folie qui m’habite depuis l’enfance. Car je ne leur demandais pas de soldats de plomb ou autres jeux conventionnels, dont les jeux électroniques qui commençaient à apparaître. Dès que j’ai su déchiffrer quelques éléments de la langue principale de l’école, qui était le français, je n’ai voulu que des grammaires et des dictionnaires, et bientôt des enregistrements. Alors, mes chers parents ont commencé, quand j’avais quatre ou cinq ans, par me montrer à un psychiatre. Celui-ci a été formel : « L’enfant est parfaitement normal. »Il se trouve simplement que je suis – et je souhaite à tout le monde de l’être comme moi, parce que c’est un secret du bonheur – un homme habité ! Un homme ou une femme habitée, ce n’est pas quelqu’un qui a une monopassion ridicule et qui en oublie le reste du monde. Dans le cas des langues, c’est tout juste le contraire, car les langues nous ouvrent à tout le monde. L’amour des langues, c’est l’amour des gens. On dit qu’un homme ou une femme sont habités quand ils ont une immense passion pour quelque chose qui relève du savoir, ou même d’ailleurs d’autre chose que le savoir. On peut avoir la passion du vin par exemple, ou d’autres passions, quelles qu’elles soient. Mais, pardonnez-moi au nom de ceux qui en raffolent : pas des animaux domestiques ! Les animaux domestiques n’ont pour moi aucun intérêt, d’aucune sorte. Et je dis cela en dépit de ce que peuvent affirmer les concierges qui s’en éprennent. Il n’y a aucune espèce de commu nication, d’aucune sorte, avec les animaux domestiques. Aucun intérêt. Je ne vais pas, ici, essayer d’en faire la démonstration, car je sais que leurs amoureux me fourniraient des contre-arguments tout aussi grotesques les uns que les autres. J’ai donc été habité très tôt par l’amour des langues, et je le suis toujours.