Alors que des philosophes disent ne plus reconnaître leur France, celle qui assimile, la France de la galanterie et de la langue de Molière (Alain Finkielkraut) ; alors que des activistes boycottent une école car celle-ci propose de penser l’égalité entre filles et garçons (Soral et Belghoul) ; alors que des essayistes évoquent « la décadence de quarante ans d’endormissement politique1 » et aspirent par tous les moyens à retrouver une France teintée de nationalisme ; alors que des journalistes se scandalisent de voir « le besoin des hommes de dominer » (Zemmour, 2014, p. 33), remis en question ; alors que Vladimir Poutine mène la Russie en homme fort voire en héros… Pendant ce temps, un slogan du Front national2 est scandé à l’infini : « On est chez nous. » Cette antienne pourrait résumer à elle seule bien des aspirations, bien des peurs, un « on est chez nous » qui pourrait être prononcé en Hongrie, en Belgique, dans certaines plaines des États-Unis et dans bien d’autres coins du monde. Un monde qui semble nous échapper. Le diagnostic est sans appel : la France se crispe, l’Europe également, et à bien des égards, les autres parties du globe, qu’elles soient tea-partites1 ou djihadistes, se crispent aussi. Les extrémismes se donnent à voir et les nationalismes avec eux. Car le monde qui vient semble faire peur comme s’il allait échapper aux États, aux nations, aux hommes et aux femmes. Car ce monde qui vient est celui de la transition ou plutôt des perpétuelles transitions. L’état du monde n’est plus stable – et ne le sera peut-être plus jamais. Les cycles se raccourcissent et tout va vite, tout va bien trop vite et chacun tâtonne, hésite, se recroqueville, craint, s’émeut… Chacun sent des dangers visibles ou invisibles, sent que « ça lui échappe ». Alors, pour beaucoup, un retour à une stabilité imaginaire, un repli, le rêve d’un temps figé sont autant de réponses à des environnements devenus éphémères, quasi liquides. Le monde glisse, file entre les doigts ; l’environnement est furtif, complexe et mutant. À quoi se fier, à qui, à quelle structure, à quelle institution ? De nombreux mouvements ont trouvé des réponses politiques à ces angoisses finalement si existentielles. Le UKIP explose en Angleterre au nom de la lutte contre l’immigration2, le Front national est en tête aux élections européennes en 2014, la « Manif pour tous » craint de voir débarquer un bébé via deux hommes, internet fait craindre pour les emplois industriels… Le monde nous échappe et tout se crispe : le monde fluide, rapide, éphémère, nous rend malheureux et beaucoup pleurent en silence ou votent plus violemment que par le passé. Modestement je veux aller au-delà des lignes du consensus se profilant actuellement, cet ouvrage ne prétendant pas être « correct » et visant à briser certains tabous – même si ce ne sont pas ceux édictés par les « réactionnaires »1. Je propose des réflexions souvent difficiles à envisager pour les responsables politiques mais qui valent la peine d’être discutées dans le champ intellectuel et dans un monde ouvert et bousculé. Partant du constat d’un monde complexe, sous turbulences, et d’un environnement en mouvement perpétuel, je répondrai par peutêtre plus d’optimisme, et peut-être surtout une ouverture, une façon d’accepter ces mutations, ces transitions, cet environnement qui change de façon incessante.