Ecologie G. V. – L’écologie, c’est une thématique sur laquelle on vous entend peu. Cela dit, vous l’évoquiez dès 1978 : « Le type bourré d’oseille, séduit à son tour par les sirènes écologiques, il a vu deux fois René Dumont à la télé, feuilleté occasionnellement Le Sauvage ou La Gueule ouverte chez un dentiste de gauche, et tout à coup, il craque, lui aussi, terrassé par la fièvre verte […] Ce type-là, ce pourrait être moi. » G. B. – Je suis partisan de l’écologie. La protection de l’environnement me paraît essentielle. C’est avec certains écologistes que j’ai plus de mal… Par sympathie pour ce mouvement, je ne cite personne. G. V. – Vous éprouvez de la sympathie à l’égard de José Bové. Vous disiez à son sujet : « Avoir démantibulé un McDo et vaguement bousculé quelques épis de maïs empoisonné, à mes yeux, relève de l’humanitaire. » G. B. – Oui, José Bové, c’est un combattant, un vrai, un résistant. Il a pris des risques, il est allé en taule, plutôt que de se contenter de pérorer à la télé. Alors bien sûr, ça gêne quelques éditorialistes de la presse « éclairée » qui le qualifient de « démagogue », de « populiste », ou de « Le Pen de gauche ». Moi, c’est à cette prise de risque que je mesure la sincérité de l’engagement. G. V. – Comment vous positionnez-vous par rapport à l’activisme ? Considérez-vous qu’il existe une violence légitime ? G. B. – Je vous l’ai déjà dit : il y a une violence légitime. Quand des manifestants se font tabasser par les flics ou les militaires, il est normal qu’ils réagissent. C’est ce qu’on appelle « parler la langue de l’adversaire ». Encore une fois, je ne l’encourage pas… Si on peut obtenir ce qu’il est légitime de demander en douceur, c’est mieux. Mais malheureusement, le désespoir pourrait, dans les temps qui viennent, pousser pas mal de monde dans la rue. Et ce ne seront pas les supporters du PSG. Héros G. V. – Avez-vous des héros, ou des personnages qui ont particulièrement influencé votre caractère, vos actions, votre vision du monde ? G. B. – Ma jeunesse a été marquée par des auteurs et des personnages de théâtre classique. Molière, Marivaux, Musset, Shakespeare, Beaumarchais, tous des rebelles ! Ils m’ont fortifié dans la perception qu’intuitivement j’avais déjà de la tragi-comédie humaine. La résistance par l’insolence et par le rire. Ce sont eux mes véritables maîtres qui, pour toujours, ont forgé l’homme que je suis devenu. Alceste, Arlequin, Lorenzaccio, Hamlet, Figaro et les autres ne se démoderont jamais. Autour de mes 18 ans, je suis entré au Centre national d’art dramatique sur ordonnance médicale. J’avais convaincu le médecin traitant que si l’on m’empêchait d’aller au bout de ma vocation, je me tuerais. Merci, Docteur. Mon goût de l’écriture doit beaucoup à une certaine littérature américaine : Steinbeck, Fitzgerald, Salinger, Philip Roth, Faulkner, Fante, etc. Mais aussi à la comédie italienne de Scola, Risi, Monicelli – comediante tragediante – où le rire croise l’émotion. Je porte le deuil de quelques êtres qui m’ont profondément aidé à résister : Simone Signoret, Barbara, Jacques Brel, Georges Brassens, Claude Nougaro, Pierre Desproges… Il me reste heureusement Jean-Loup Dabadie, Michel Onfray, Boris Cyrulnik et quelques autres, souvent anonymes – je ne fréquente pas que des célébrités – qui m’aident à vivre, à survivre. Et puis aussi, mon grand compatriote, Albert Camus, qu’à travers ses livres je rencontre toujours avec bonheur. Stéphane Hessel, dont je me suis rapproché grâce à vous, cher Gilles, ne m’est pas non plus indiff érent.