Jean Viard. – Nous allons parler de la ville archipel, de ce qu’elle produit en termes d’art de vivre, de dynamique économique, d’intégration de la ville et de la campagne, des minorités et nous discuterons en quoi elle fait de la ville quelque chose de plus percutant. Mais commencez d’abord à nous expliquer : quand on dit Rennes ville archipel, de quoi parle-t-on ? Jean-Yves Chapuis. – La ville archipel ou la ville multiple… Je pense qu’il faut exprimer au départ quelques idées simples de l’expérience que j’ai acquise avant de rentrer dans l’histoire de la ville archipel. La ville n’est pas figée. Elle s’invente sans cesse. La ville n’est pas un débat technique. La ville, « ce sont des pierres et des hommes », comme le disait saint Augustin. La ville, ce sont des relations humaines qu’il faut rendre de plus en plus humaines. La politique de l’habitat doit permettre de répondre à l’évolution des modes de vie. Une volonté politique claire est nécessaire. La Bretagne, de par son réseau de villes moyennes, peut développer sur son territoire la notion de ville archipel et devenir pourquoi pas ? une région de villes archipels. La ville aujourd’hui est multiple aussi bien sur le territoire d’une agglomération que sur celui des communautés de communes. Ces villes doivent permettre à chaque citoyenne et à chaque citoyen du territoire de choisir son lieu d’habitation en tenant compte de son désir, de sa situation sociale et familiale, de ses contraintes… Le développement durable apporte l’idée que maintenant l’aménagement urbain se doit de toujours intégrer le socle que représente la nature. Toutefois, il ne faut pas oublier que la bio diversité, si elle se préserve, se crée aussi. Tout citoyen, qu’il vive dans la ville dense et compacte, dans le péricentre, dans le périurbain ou dans le rural, est un urbain. Cet espace qui va au-delà de la ville historique englobe un paysage de grand territoire. Voilà le point de départ : la ville archipel, c’est la ville qui est au-delà de la ville dense, qui s’ouvre à des communes, à l’origine rurales, devenues des noyaux sur lesquels nous avons construit notre développement urbain. Ces communes se développent en continuité urbaine et en renouvellement urbain suivant un programme local de l’habitat exigeant. Cette forme urbaine est traversée de morceaux de campagne, de nature et de champs urbains. Ce paysage nouveau crée un territoire singulier où le distinguo ville/ campagne n’a plus lieu d’être et donne une vision apaisée et douce de la ville devenue métropole. Nos concitoyens ont l’impression d’une plus grande maîtrise de leur territoire. Il n’y a pas des pleins et des vides mais tout est plein, car tout est essentiel à ce nouveau paysage urbain. C’est dire ainsi que la nature construit aussi le paysage urbain (le temps libre privatisé, le fait de vouloir le bonheur sur terre, l’importance de la santé et du bien-être…). Tout cela forge une ville souple où chacun peut vivre séparé mais pas isolé… La ville archipel, c’est aussi le respect du territoire dans lequel on vit (une rue, un quartier, une commune…), d’où l’idée de la ville des proximités qui est le corollaire de la ville archipel. Cela veut dire que tout citoyen doit avoir près de chez lui les services de la vie quotidienne (qu’ils soient publics ou privés) et être relié, le plus possible, par les transports collectifs, aux grands équipements de la santé, à l’université, aux écoles supérieures et à la culture. C’est pour cela que nous parlons d’intensité urbaine et pas de densité urbaine.